Préambule

400 résident-es
pour les 400 ans

Le 20 mars 1953, l’assemblée générale ordinaire des ancien-es étudiant-es de l’Université de Genève, emmenée par leur président, le professeur Jean-Aimé Baumann, vote en faveur du projet d’une cité universitaire.

Un an plus tard, le projet se concrétise. Un Conseil de fondation a été nommé, le terrain du Vieux-Champel (ancienne propriété d’Edouard Claparède) sélectionné et le concept de « cité vraiment cosmopolite » privilégié au détriment des pavillons nationaux.

Le caractère international de la cité résidentielle est confirmé par le projet de construction élaboré en 1955 par les architectes Ernest Martin et Louis Payot. Les 392 chambres à destination des jeunes gens, jeunes filles et couples seront réparties comme suit : 17% pour les Genevois-es, 25% pour les Confédéré-es et les 58% restants dédiés aux étranger-es. Le vœu initial d’éviter l’impression de caserne ou d’hôtel ne pouvant être réalisé dans la multiplication de petits pavillons disséminés dans le cadre de verdure, afin de préserver des espaces pour les jeux et les sports, une solution innovante a été trouvée dans la hauteur : une tour de 13 étages opposée à un bâtiment latéral d’un gabarit traditionnel de 7 étages « superposeront en quelque sorte les pavillons les uns sur les autres. »

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Maquette Cité Universitaire
Maquette de la future Cité Universitaire.

Premier objectif : 1959...

Confiants, les acteurs et actrices impliqués visent une réalisation pour l’anniversaire des 400 ans de l’Université à l’été 1959. 

C’est sans compter le déluge d’oppositions d’ordre financier, architectural, idéologique et politique qui s’abat sur le projet. Ainsi du Journal de Genève qui « recommande chaudement cette œuvre », s’insurgeant d’avoir « entendu quelques Genevois regretter que la Cité universitaire soit ‘construite à grands frais pour quelques macaques !’ De telles récriminations sont injustes et ridicules. La priorité ne sera pas nécessairement donnée aux étrangers. D’autre part, nous ne sommes plus à l’époque où l’on traitait de ‘rastaquouère’ tout ce qui venait d’outre-mer. »

« Des milieux ont réagi vivement : c’était trop luxueux pour des étudiants, trop beau pour des étrangers. Des gens ont dit : bientôt, il faudra apporter le petit-déjeuner au lit, à ces étudiants ! »

Louis Payot

... pour seulement la première pierre...

Les festivités déployées en 1959 pour les 400 ans de l'Université n’incluent pas l’inauguration de la Cité. Au soir du 6 juin, « les centaines d’étudiants portant flambeaux seront précédés d’un détachement de cavalerie, du bureau du Sénat en robes académiques, d’une évocation historique par la Compagnie 1602, des 66 drapeaux des nations représentées à notre Alma Mater, de la maquette de la Cité universitaire, dont la première pierre sera posée cet après-midi, et de plusieurs fanfares. »

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Cortège 1959

L’année 1961 apporte de plus réjouissantes nouvelles. Le lancement du concours pour la décoration extérieure de la Cité, ouvert à tous les artistes, peintres, sculpteurs et décorateurs, signale l’entrée de la construction dans sa phase finale. «  Dialogue » du sculpteur Albert Rouiller remporte le 1er prix du jury, avec exécution, en avril 1962.

Et finalement, en avance sur l'horaire !

Enfin, en janvier 1963, le Journal de Genève titre : « En avance sur l’horaire, la Cité universitaire s’ouvrira cet automne déjà ». Si une petite partie des chambres, le restaurant, la cafétéria et les autres services publics seront achevés dans le premier trimestre de 1964, l’ensemble ne sera pourtant pas dépourvu de « tout foyer de délassement et de restauration. »

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1963 projets pour la Cité Universitaire

« M. Richard Scarpellini, le dynamique propriétaire du ‘Relais de Champel’ vient d’ouvrir à proximité immédiate de la cité un petit ‘Uni-Bar’ (sans alcool pour l’instant) qui fonctionne déjà, à la plus grande satisfaction des ouvriers du chantier. »   

Journal de Genève, 21.01.1963

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« Attention au collecteur ! »

Ainsi s’exclame le Journal de Genève du 21 juillet 1958, mettant en garde ses lectrices et lecteurs contre un soi-disant étudiant organisant de fausses collectes au profit de la Cité universitaire. Prière est faite de transmettre tout signalement à la Police de sûreté. 

M. Promès de Gascon, invité de marque du premier anniversaire de solennité

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Discours de pose de la fausse première pierre, 1960

« Précédé d’un huissier drapé des couleurs genevoises et sonnant d’une trompette triomphante, le cortège officiel, en habit de cérémonie, vient entourer la pierre symbolique. Le président s’est adressé en termes chaleureux aux opposants à la Cité universitaire, saluant la magnifique réussite de leur action. En effet, malgré les paroles du conseiller d’Etat Borel, qui, l’an dernier, assurait d’une voix forte que cette première pierre n’était pas un symbole, ni un projet qui s’en irait dépérir dans un tiroir, mais une réalité qui viendrait bientôt prouver la présence de beaucoup d’autre pierres, la dite pierre se dresse toujours désespérément seule sur le vaste terrain.

Le représentant des édiles, M. J.F. Promès de Gascon (sic) prononça ensuite, avec un accent visiblement ému, quelques paroles de circonstance, et, citant Jean-Jacques, dit son espoir de caresser longtemps encore le monument tel quel.
(…) un gavroche du quartier signala (encore) toute l’importance qu’elle revêtait comme montant de but ou jalon de concours d’un ordre très spécial. Il exprimait toute sa gratitude à la Société. »

G.C., Journal de Genève, 23.06.1960

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La première pierre a disparu !

« Farce d’étudiant », supputa avec justesse l’architecte Louis Payot, lorsqu’il évoqua la disparition de la première pierre quelques années après l’inauguration de la Cité. Celle-ci avait en effet été remplacée par une croix du souvenir, les plaisantins facétieux manifestant ainsi leur lassitude face au sursis interminable.